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Retour d'expérience de démocratie médico-sociale en Limousin


Projet « CVS : Comment Vivre Sereinement » développé dans 2 EHPAD péri-urbains de Limoges

Comment aider les personnes âgées accueillies en EHPAD à devenir des acteurs à part entière de la vie institutionnelle, capables de faire des choix pour leur vie et pour l’établissement ?

Quels seraient les leviers permettant de garantir à l’usager l’exercice de sa citoyenneté quelles que soient ses incapacités ?

Comment permettre à l’instance du Conseil de Vie Sociale (CVS), l’un des 7 outils de la loi du 2 Janvier 2002, de jouer pleinement son rôle au sein de l’institution ?

L’équipe de consultants a alors coconstruit un dispositif d’interventions lors de l’appel à projet 2018 de l’ARS Nouvelle Aquitaine « Établissements et Services engagés en démocratie ».

Le Projet « CVS : Comment vivre Sereinement » a été conçu avec les élus résidents et familles au CVS et le comité de direction. Il a obtenu la labellisation de la part du Jury de l’appel à projet.


Un enjeu de démocratie et de citoyenneté qui peine toutefois à s’établir :

Si en 2010, l’ANESM[1] avait révélé que 85 % des CVS dans les Etablissements médicaux sociaux étaient en place (1), sont-ils pour autant des lieux permettant l’appropriation de l’instance par les usagers avec un suivi des réclamations et suggestions d’amélioration de fonctionnement ? Cette même étude nous apprend que seulement 53% de la Présidence des CVS est assurée par un résident alors que la loi l’y incite fortement.

En 2011, une autre étude de la DRESS[2] établit que 88% des résidents ne connaissent pas l’existence du Conseil de la Vie Sociale et que seulement 2 % ont recours à celui-ci lorsqu’ils rencontrent un problème.

Ce déficit de reconnaissance et de connaissance des rôles et missions de cette instance consultative est souvent justifié, de la part des gestionnaires, par l’importance des troubles cognitifs rencontrés auprès des personnes âgées accueillies.

Bernard HERVY [3] ose évoquer sur ce point une citoyenneté qui s’opposerait au sanitaire, comme si un malade ne serait plus un citoyen, et relève des arguments proche de la discrimination ou de l’exclusion, du fait de la démence.

Cette situation conduit certains établissements à se passer d’élections à bulletins secrets pour les collèges des résidents et les familles en désignant purement et simplement les représentants au CVS, l’enquête de l’ANESM qualifiant alors ces pratiques d’une « démocratie de droit divin ».[4]


Une implication des familles à géométrie variable :

Cette difficulté de représentation des résidents peut laisser la place à une prédominance des familles, autres membres décisionnaires, et qui peuvent s’accaparer l’instance en parlant au nom des résidants voir de leur unique parent si les problématiques personnelles liées à l’admission de leur parent en institution ou à l’acceptation de la maladie outrepassent l’intérêt collectif. La capacité à porter la parole de l’autre comme expression d’une culture de l’altérité n’est en effet pas innée et tient compte de la personnalité et de l’expérience de chacun (implication dans la vie associative et syndicale par exemple).

Par ailleurs, les familles apparaissent globalement très difficiles à mobiliser voir à contacter comme en témoigne un des représentants des familles au CVS qui a dû cesser ses permanences après plusieurs présences sans succès.

Faut-il y voir une conséquence d’une possible ambivalence entre consumérisme et démocratie ? L’effort financier consenti par les frais de séjour (60% du tarif journalier en EHPAD est acquitté par les résidents ou leurs familles via le tarif hébergement) s’opposerait-il à un surcroît d’implication au nom de l’intérêt collectif ?

Par ailleurs, la complexité de la gestion des EHPAD, le manque de transparence et de vulgarisation rendent encore plus compliqué la participation des usagers bien souvent perdus lorsque sont évoqués les Pathos, les CPOM, la tarification ternaire, etc, ou d’appréhender la délimitation du périmètre des missions du CVS. Cette complexité nécessite de la part des élus une formation, laquelle rencontre des difficultés de financement, les OPCA ne pouvant financer ces opérations.


Un enjeu de pouvoir pour les directions

Pour Alain TOURAINE [5] la Citoyenneté affirme les droits de l’individu non pas en tant que membre de la société politique mais comme homme, au sens de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, donc face au pouvoir et aux institutions et éventuellement contre eux.

On peut alors comprendre certaines réticences de la part de directions à installer un lieu de débats tel que le CVS voir de chercher à le contrôler.

Il est en effet assez fréquent de trouver des EHPAD où la direction établit l’ordre du jour, anime les débats et rédige le compte rendu, voir demande que les questions à l’ordre du jour transitent par la chaîne hiérarchique.

Cette situation n’est cependant pas toujours souhaitée par les directions. Elle est plutôt la conséquence d’un défaut d’investissement des élus.

Toutefois, le risque que l’instance dérive vers une confrontation forte de type « amicale de consommateurs » ou bureau des plaintes dans lequel seraient entraînés les élus du personnel au CVS, voir d’être une instance de contrôle des faits et gestes de la direction, est cependant bien réel.

Pour avoir connu une situation conflictuelle analogue, la direction commune des 2 ehpad a alors souhaité revoir le positionnement des acteurs au sein du CVS nouvellement élu en leur donnant les moyens de s’approprier l’instance et d’exercer pleinement leurs missions.

Pour Roland JANVIER et Yves MATHO [6] , le conseil de vie sociale modifie le rapport à la parole et à l’écoute : il confronte chacun à la question du pouvoir, dans une démarche civique.

L’existence d’une forme de contre-pouvoir dans une logique de négociation profitable à chacun dans l’intérêt de tous, serait ainsi un gage de qualité des institutions, voir de la performance de celles-ci.

C’est bien l’esprit souhaité par l’ARS dans le cadre de l’appel à projet pour lequel nous avons répondu et déployé les actions en 2019.


CVS : Comment Vivre sereinement

Après avoir réuni les nouveaux élus au CVS durant l’été 2018 avec le responsable d’animation sur les 2 sites, nous avons pu identifier les causes des difficultés rencontrées, et co-construit un dispositif d’actions coordonnées et simultanées.

Compte tenu de la complexité de la question de la démocratie médico-sociale en institution, nous avons imaginé prendre comme cible le CVS, considéré comme poumon de la vie démocratique et d’agir simultanément sur un choix de facteurs favorisants son développement :

- La formation des élus et du personnel aux droits des usagers et au CVS

- L’accompagnement/coaching des élus Résidents et familles au CVS dans l’exercice de leurs missions

- L’accompagnement psychologique des familles dont les élus au CVS

- La communication et la mise en réseau des familles avec les élus au CVS


Le schéma ci-dessous présente l’ensemble du projet CVS « Comment vivre sereinement » avec les différentes actions déployées.

Une évaluation des actions effectuées à partir d’entretiens individuels a donné les résultats suivants :


· CVS : Connaitre Sa Vocation d’élu :

La formation au cvs proposée par ReSanté-Vous a eu lieu fin 2008 avec la participation des Responsables des familles, du Responsable d’animation et de l’ensemble des élus.

Yvette, 91 ans, Présidente du CVS avoue qu’elle n’avait aucune idée de son rôle avant la formation. Cette formation lui permet aujourd’hui de conduire les réunions avec l’appui des représentants des familles et de développer un climat serein avec l’équipe de direction, tout en exprimant ses désaccords éventuels. Elle apprécie le climat de dialogue entretenu de part et d’autre.

Bernard, représentant des familles, partage aussi l’appréhension, aujourd’hui dépassée, ressentie lors des premières réunions. Les ateliers partagés lors de la formation lui ont permis de prendre à cœur son rôle et d’y trouver aujourd’hui du plaisir. Il apprécie que les cadres jouent le jeu en apportant des réponses précises aux questions formulées.

Un relevé de conclusions permet un bon suivi des réclamations et suggestions.


· CVS : Un Café Vraiment Sympa

L’accompagnement psychologique des familles sur le modèle du café des aidants a pu être effectif en 2019 avec une bonne participation, dont certains membres du CVS.


· CVS : Concertation, Verbalisation, Suggestions

Un accompagnement sur la durée des élus a été réalisée avec une séance de préparation avant chaque réunion proposée par le consultant: Préparation à la prise de parole, à la présentation des réclamations, ajustement de la conduite de réunion.


· CVS : Co-construction Valorisant les Savoirs

Des rencontres régulières des élus avec l’équipe de direction permettent d’aborder en instantanéité les difficultés rencontrées. Les élus ont été associés à une réflexion concernant la sécurité de l’établissement. Ils sont également membres, pour certains d’entre eux, du Conseil d’administration.


· CVS : Communication Vivante et Simplifiée

Une mise en relation par mail des familles avec les élus est facilitée par les Responsables des Familles. A terme, le site internet en création permettra d’informer directement les familles ( diffusion de la boîte à outils CVS de la FNAPAEF, CR des réunions, blog).


· CVS : Comprendre les Visions Singulières

Une formation du personnel sur le droit des usagers avec la participation des élus au CVS est programmée en 2020. Des jeux de rôles permettront également d’aborder la résolution de conflits avec les familles afin d’améliorer la compréhension mutuelle.

La direction a apprécié que son intention de retrouver un rôle consultatif au sein du CVS soit réalisée, ce qu’elle avoue être totalement confortable et satisfaisant. Ce résultat est bien la conséquence de l’appropriation du CVS par les élus , ce que la coordination des actions déployées a rendu possible.

La sérénité gagnée dans les relations avec les élus au CVS lui permet de leur transmettre une copie des plaintes des familles reçues ainsi qu’une copie de la réponse. Elle précise que les plaintes sont d’ailleurs en nette régression depuis le nouveau CVS, constat qu’elle attribue à la qualité d’écoute des représentants des familles et des résidents. Elle affiche par ailleurs une volonté de transparence quant aux documents de gestion de l’établissement et s’engage à travailler les présentations lors des prochaines réunions afin de les rendre compréhensible par un plus grand nombre en s’inspirant du modèle FALC ( Facile à Lire et à Comprendre).


Pascal LE BIHANIC -

Consultant Formateur en Gérontologie


[1] ANESM : Agence Nationale D’Evaluation Sociale et Médico sociale (1) [2]DREES. La vie en EHPAD du point de vue des résidents et de leurs proches. Dossiers solidarité, 2011, n°18, 75 p. (2) [3]Gérontologie et société, n° 120 , citoyenneté P132 (3) [4]Enquête Bientraitance ANESM 2011 (4) [5]A. TOURAINE, Pourrons-nous vivre ensemble, égaux et différents ? Paris (5) [6]R.Janvier , Y Matho, Mettre en œuvre le droit des usagers , P119, Dunod

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