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L’IGAS produit un rapport qui donne de l’altitude à la participation citoyenne.


Ah, on respire, voici de l’air sur le sujet de la participation citoyenne et de la démocratie médico-sociale.

 

Voici un rapport de l’IGAS, Inspection Générale des Affaires sociales, daté de novembre 2023 et publié le 9 avril 2024 sur - La participation citoyenne directe dans les politiques de solidarité : Etat des lieux et perspectives –


Dans une période où certains esprits s’efforcent de réduire la démocratie médico-sociale à un simple outil de traitement des plaintes individuelle en oubliant les fondements de la loi du 2 janvier 2002, il est très heureux de pouvoir prendre de l’altitude en lisant ce rapport de l’IGAS sur la participation citoyenne dans les politiques de solidarité.


Chacun pourra prendre connaissance de ce rapport de l’IGAS avec le lien ici. Et en avant-gout en voici quelques extraits.


Permettre aux potentialités de la participation citoyenne directe de s’épanouir suppose en effet de lever certains freins au cœur des fonctionnements politiques et administratifs. Qu’il s’agisse de la participation citoyenne directe comme d’ailleurs de la consultation des instances obligatoires, le fonctionnement habituel des administrations n’offre pas toujours les marges de manœuvre, ni les soutiens suffisants, pour une pleine prise en compte de leurs apports : cadre temporel trop étroit, injonction participative aux finalités insuffisamment claires pour les agents mêmes qui la mettent en œuvre, absence de grain à moudre (pratique, budgétaire ou juridique), d’une part… Manque de culture participative et de professionnalisation, fragilité et éparpillement des dispositifs dédiés de soutien d’autre part.

Il est par ailleurs essentiel que les démarches participatives les plus politiques s’ancrent dans un continuum de prise en compte systématique des besoins et plaintes des usagers, de la dimension la plus stratégique aux aspects les plus quotidiens.


La participation citoyenne et les politiques de solidarité ont tout à gagner à la mise en place de cercles vertueux, dont il est avéré qu’ils incitent à une participation accrue en cas de démarches sincères et effectives, et beaucoup à perdre à des processus mal maîtrisés et déceptifs.


En contrepoint de cet effort d’ajustement des fonctionnements publics, il importe également de permettre aux publics des politiques de solidarité de conforter leur pouvoir d’agir, de ses dimensions les plus quotidiennes d’autodétermination dans leur parcours ou leurs lieux de vie à la participation plus collective et politique. C’est le terreau indispensable de la participation aux politiques publiques elles-mêmes.


La participation en effet ne se décrète pas ; elle doit avoir été rendue possible pour un plus grand nombre de personnes que les quelques volontaires aujourd’hui sur-sollicités. Cela repose sur une large action volontariste en faveur de l’expression et de l’écoute des personnes à toutes les étapes de leur parcours, dans leurs lieux de vie, en faveur de la reconnaissance de leurs savoirs expérientiels, du développement de la pair-aidance ou de la co-formation des professionnels.

 

Levier de renouveau démocratique, instrument de la pertinence des politiques, vecteur d’un pouvoir d’agir renforcé des personnes …, la participation citoyenne est porteuse d’ambitions fortes.


Au travers d’une analyse de la participation des personnes concernées dans trois politiques publiques (politique de lutte contre la pauvreté, politiques d’autonomie en faveur des personnes handicapées d’une part, des personnes âgées d’autre part), éclairée par un panorama plus succinct des démarches participatives au sein des autres politiques de solidarité, la mission a d’abord dressé un état des lieux des pratiques de participation citoyenne directe dans le champ des solidarités. Elle a ensuite cherché à apprécier la maturité et l’effectivité de ces démarches, et à mettre en lumière les conditions de leur plein apport, tant en termes de modalités de l’action publique, que de prise en considération de la spécificité des publics de ces politiques. Au cours de ses investigations, la mission a systématiquement veillé à recueillir le point des vue des personnes concernées impliquées dans les démarches participatives.


La mission note cependant une très inégale appropriation des règles de base d’une participation fructueuse, telles qu’elles ont été formalisées par les acteurs qui ont plus d’antériorité ou d’expérience, dont la commission nationale du débat public, autorité administrative indépendante investie dans la participation en matière d’environnement, le centre interministériel de participation citoyenne, investi dans l’accompagnement des démarches participatives de l’Etat, ou le conseil économique social et environnemental.


Dans le champ des solidarités, des acteurs comme le Conseil de la CNSA ou le Haut conseil du travail social ont également mis en avant les bonnes pratiques et les exigences particulières de la participation des publics vulnérables.

Ces bonnes pratiques – et en particulier l’analyse préalable fine du contexte et de l’objet pour définir public et modalités, la clarté du mandat de participation, la diversité des points de vue exprimés, l’attention à accorder à ceux qui ne participent pas spontanément, la présence d’un garant neutre, la reddition des comptes, pour expliquer ce qui a été retenu, ou pas, et pourquoi – ne sont, de fait, pas de mise en œuvre courante. Et le choix des approches participatives s’avère parfois amateur.


L’articulation des dispositifs de participation citoyenne directe avec les formes habituelles de représentation est en outre insuffisamment pensée, conduisant à une relative juxtaposition plutôt qu’à un enrichissement réciproque. Il y aurait pourtant un risque démocratique à jouer les uns contre les autres. L’expertise, la vision collective et l’inscription dans la durée de la représentation associative comme le débat entre parties prenantes apportent d’autres dimensions que la participation citoyenne directe ancrée dans l’expertise du vécu et une expression plus diverse et moins tribunitienne.

Les associations demeurent par ailleurs un appui indispensable de la participation citoyenne directe, en l’accompagnant, en favorisant le pouvoir d’agir des personnes et en les formant, en animant les groupes ressources sur lesquels s’appuient les personnes concernées participantes.


De la même façon, sont inégalement prises en compte les spécificités du public des politiques de solidarité, personnes précaires, handicapées, enfants ou personnes âgées. Les insuffisances notoires en termes d’accessibilité, le modèle dominant du débat d’assemblée, peu approprié pour des personnes moins rodées à l’expression publique ou pénalisées par des limitations fonctionnelles y compris cognitives, des formes encore trop peu développées d’aller vers les personnes plus fragiles, en établissement ou à domicile… constituent des obstacles à une participation des personnes concernées suffisamment plurielle et effective.


De nombreuses initiatives extrêmement créatives et intéressantes existent pourtant, tant pour inventer des formats adaptés aux personnes qui s’expriment difficilement, que pour aménager la participation à leur rythme et leurs capacités. Il est essentiel que ces modalités inventives soient mieux connues et partagées.


Une grande partie de ces changements peuvent être conduits à droit constant ; d’autres peuvent s’insérer dans des lois sectorielles, par exemple dans le domaine du Bien vieillir. Pour autant, la mission estime nécessaire d’envisager à moyen terme une grande loi intersectorielle, santé et solidarités qui, un peu plus de 20 ans après les grandes lois de 2002, viendrait revitaliser les processus de participation citoyenne et conforter leur cohérence globale, tout en installant des dispositifs de soutien renforcés.


Dans l’attente, la charte d’engagement constituerait un signal politique important. De façon plus immédiate, un texte réglementaire stabilisant les grands principes procéduraux de qualité au-delà des exigences socle actuelles du code des relations de l’administration avec le public et garantissant un statut aux personnes impliquées dans les démarches de participation citoyenne est indispensable.


Dans la liste des recommandations visible en page 9 du rapport on lit notamment :


Prohiber les démarches exclusivement numériques • Garantir l’accessibilité des espaces physiques et numériques de participation • Recourir au facile à lire à comprendre (FALC) et diversifier les supports de communication utiles à la compréhension du projet • Favoriser des modes d’organisation alternatifs à la réunion et développer notamment l’aller-vers les publics les plus fragiles sur leur lieu de vie, en établissement ou à domicile • Adapter le rythme et les modalités des échanges au public • Prévoir l’appui d’un aidant, d’un binôme ou d’un groupe ressource pour éviter les phénomènes d’essoufflement ou d’isolement.


Elaborer de façon partagée (Etat, collectivités locales et opérateurs du champ) une charte de la participation citoyenne dans les politiques de solidarité qui : - affirme l’engagement des signataires de conduire des démarches de participation citoyenne pour tout projet structurant dans le champ ; - énonce les principes socles d’un processus participatif vertueux ; - définit les conditions d’une participation effective des personnes concernées et de prise en compte de la parole des plus vulnérables ; - organise la mise en place d’un centre de ressources de la participation citoyenne.


Inscrire dans le code de l’action sociale et des familles la participation citoyenne directe des personnes concernées, lors de l’élaboration des schémas d’organisation sociale et médico-sociale - et notamment lors de la phase d’analyse de besoins.


Intégrer dans les cahiers des charges précisant le contenu des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) des établissements sociaux, médico-sociaux et centres d’hébergement, un volet permettant de garantir l’effectivité et la qualité des démarches de participation des usagers / résidents.


Et d’autres recommandations intéressantes, voir donc le tableau en page 9 du rapport de l’IGAS.


La difficile représentation des personnes âgées.


Dans le tome 2 de son rapport, l'IGAS relève notamment la difficulté des personnes âgées de faire entendre leurs voix dans les instances nationales et locales.

Elle rapporte par exemple "l'éclatement de la représentation dans le secteur de l'âge" qui "fragilise la prise en compte de la parole", avec "des syndicats de retraités […] historiquement davantage centrés sur la question des retraites et des prestations", "des organisations de gestionnaires" qui "ont des intérêts qui ne coïncident pas toujours avec ceux de leurs bénéficiaires et ne sont pas forcément organisés pour identifier et relayer leurs besoins", des "associations de personnes âgées [qui] peinent à se faire entendre", pénalisées par "la concurrence pour l'expertise légitime", ou encore de nouveaux acteurs "qui refusent que l'on parle 'pour les vieux'" mais qui "peinent à exister dans les instances".


Pour autant, "les expériences de participation citoyenne directe des personnes âgées foisonnent, notamment dans les territoires", assure la mission, citant de multiples exemples locaux. Mais "le foisonnement" de ces démarches "ne doit cependant pas faire illusion", prévient-elle. Elles sont "loin d'être généralisées", et exigent "des méthodes adaptées".

 

Ouvrir un chantier sur la reconnaissance des pair-aidants".


Pour "créer les conditions pratiques d'une participation effective des plus vulnérables", la mission recommande de "financer, pour chacun des conseils et hauts conseils nationaux, une démarche innovante d'aller-vers les publics les plus fragiles".

 

De plus, il faut "garantir par décret la neutralisation de l'impact financier et social de la participation citoyenne pour les participants".

 

L'IGAS préconise aussi de permettre une reconnaissance des compétences acquises dans le cadre des démarches de participation, notamment par la validation des acquis de l'expérience (VAE).

 

Afin d'"ancrer la participation citoyenne des personnes dans un renforcement systémique de leur pouvoir d'agir", elle demande à "développer des programmes expérimentaux de soutien au pouvoir d'agir et à la pair-aidance", d'intégrer dans les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) des établissements sociaux et médico-sociaux "un volet permettant de garantir l'effectivité et la qualité des démarches de participation des usagers/résidents", mais aussi de "solvabiliser" l'engagement de ces structures dans ces démarches, à travers "les négociations budgétaires" ou les tarifs.

 

Il convient également d'"ouvrir un chantier sur la reconnaissance du statut des formateurs pairs et des pairs-aidants".

 

Cette étude et ce rapport ont été documentés et construits par Anne BURSTIN Lucile OLIER Carine SEILER Membres de l’inspection générale des affaires sociales Avec la participation de Thomas MARXUACH Stagiaire à l’inspection générale des affaires sociales en novembre 2023.

 

Ah, on respire, voici de l’air sur le sujet de la participation citoyenne et de la démocratie médico-sociale. A lire ! 

 

JK pour CVS Part'âge, le 17 avril 2024

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