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Comment démocratiser la démocratie participative médico-sociale ?

Note ; les éléments contenus dans ce billet proviennent en grande partie de recherches documentaires sur Wikipédia ainsi que de larges extraits d’un travail de Loïc Blondiaux, professeur de science politique.  


Introduction

Le chemin qui mène à l’institutionnalisation de la démocratie participative comme complément de la démocratie représentative est un chemin pavé de nombreux obstacles.

Aujourd’hui, il suffit moins que jamais qu’une autorité soit élue pour que l’ensemble des décisions qu’elle prend soit accepté immédiatement comme légitime. Les démarches et les valeurs associées à l’idée de démocratie participative sont donc devenues essentielles au bon fonctionnement, sinon à la survie de nos démocraties à tous les niveaux.


La démocratie participative est une forme de partage et d'exercice du pouvoir, fondée sur le renforcement de la participation des citoyens à la prise de décision politique dans le cadre de la démocratie représentative. À la différence de la démocratie directe, le processus de décision ne se fait pas sans les élus mais en collaboration avec ces derniers. On parle également de « démocratie délibérative » pour mettre l'accent sur les différents processus permettant la participation du public à l'élaboration des décisions, pendant la phase de délibération.


L’histoire

Les origines de la démocratie remontent à l’Antiquité avec la Grèce antique jouant un rôle central dans son développement. Le terme “démocratie” vient du grec ancien “dêmos” (peuple) et “kratos” (pouvoir), signifiant littéralement “le pouvoir du peuple”. Athènes est souvent citée comme le berceau de la démocratie, où les citoyens, c’est-à-dire les hommes libres nés de pères athéniens, avaient le droit de participer à la prise de décision collective.

Au 8ème siècle av. J.-C., la Cité-État d’Athènes a commencé à établir les fondements de la démocratie. Des réformateurs comme Dracon et Solon ont introduit des lois écrites et des réformes judiciaires et politiques qui ont favorisé la participation des citoyens à la vie publique. Clisthène, au 6ème siècle av. J.-C., a joué un rôle crucial dans la réorganisation des institutions politiques d’Athènes, permettant ainsi l’émergence de la démocratie.

La notion de démocratie participative fait partie de ces notions floues dont le succès réside précisément dans l’ambivalence. Devenue un mantra politique pour les uns, déconsidérée par les autres, elle reste largement indéterminée et peut renvoyer tout autant à de petits exercices classiques de communication politique qu’à des tentatives de redistribution réelle de pouvoir au profit des citoyens. Elle ne s’en diffuse pas moins largement depuis maintenant une vingtaine d’années dans les vocabulaires politiques français et européen. S’il faut en fournir une définition provisoire, la locution renvoie à l’ensemble des dispositifs, politiques, démarches qui visent à associer les citoyens au processus de décision politique. Cette participation peut être plus ou moins directe, plus ou moins inclusive, plus ou moins structurée, mais elle vise globalement à renforcer la légitimité et l’efficacité de l’action publique ou du fonctionnement des structures.


Le vocable a une histoire. Il apparaît pour la première fois en 1962 aux États-Unis, dans le cadre des mouvements étudiants de lutte pour les droits civiques ("Déclaration de Port Huron"). Il donne lieu à plusieurs efforts de théorisation dans le monde anglo-saxon au cours de cette même décennie 1960, mais ne s’utilise guère en Europe avant la fin des années 1990. Il faut en effet attendre la fin de cette décennie pour que certaines expériences latino-américaines, à l’instar du budget participatif de Porto Alègre, se diffusent et que cette thématique apparaisse dans le programme de certaines organisations internationales comme la Banque mondiale.


L'impératif participatif : « démocratiser la démocratie »

Apparu à la fin des années 1960, le concept politique de démocratie participative s'est développé dans le contexte d'une interrogation croissante sur les limites de la démocratie représentative, du fait majoritaire, de la professionnalisation du politique et de l'« omniscience des experts ». Ainsi s'est affirmé l'impératif de mettre à la disposition des citoyens les moyens de débattre, d'exprimer leur avis et de peser dans les décisions qui les concernent.

Cette nouvelle façon d'appréhender la décision politique répond également au besoin éthique de statuer sur les controverses socio-techniques issues notamment des nouvelles découvertes technologiques et scientifiques. L'ouvrage de Michel CallonPierre Lascoumes et Yannick BartheAgir dans un monde incertain, résume synthétiquement ce problème et les moyens de le dépasser : « Les avancées des sciences et techniques ne sont plus contrôlables par les institutions politiques dont nous disposons ». Et que dire de l’intelligence artificielle ? Les décideurs doivent avoir, en cas d'erreur, la possibilité de corriger les décisions publiques et d'appréhender à nouveau des options qu'ils avaient abandonnées. Pour éviter l'irrévocable, il faut quitter le cadre des décisions traditionnelles et accepter de prendre, plutôt qu'un seul acte tranché, une série d'actes mesurés, enrichis par les apports des profanes. C'est par exemple, dans le domaine de la santé publique, un acquis des associations de patients victimes du sida. Il est aujourd'hui admis que ces mouvements des malades ont participé à un rééquilibrage de la relation médecin-patient dont les bénéfices se sont étendus bien au-delà de la lutte contre le sida.


Cette nécessité de revitaliser la démocratie s'appuie donc sur un rôle et un pouvoir nouveaux dévolus aux citoyens. Elle s'appuie, comme l'exprimait le philosophe pragmatiste John Dewey, sur une « citoyenneté active et informée » et sur la « formation d'un public actif, capable de déployer une capacité d'enquête et de rechercher lui-même une solution adaptée à ses problèmes ». En ce sens, la participation citoyenne est intrinsèquement liée à la capacité de se documenter ou d’être documenté.  


Démocratie et cohésion sociale 

Si la démocratie est une valeur et pas seulement une « technique de gouvernement », une majorité de 51 % des votants, ne représentant qu'une part inférieure à ce chiffre du corps électoral, ne suffit pas à justifier une politique. L'État ou les structures sont chargés d'assurer la cohérence dans une société qui est hétérogène. La démocratie est une activité collective dont la fonction essentielle est de « faire société ». Cf. Le Conseil de la Vie Sociale, CVS.

 

Impératif délibératif : de meilleurs débats pour de meilleures décisions

La démocratie participative n'est nullement réductible à la « démocratie d'opinion » en cela qu'elle crée les conditions nécessaires au déroulement d'un débat public ouvert et démocratique. Inspiré par des penseurs de la délibération collective tels que Jürgen Habermas et James S. Fishkin, l'impératif délibératif se fonde sur une logique simple : meilleure est la qualité du débat, plus légitimes et efficaces sont les décisions qui en découlent.


Les modalités de la démocratie participative


Toute la question porte alors sur les conditions d'un bon débat et notamment la qualité de la procédure délibérative pour arriver à ce qu'Habermas appelle « une entente rationnellement motivée », notamment la liberté des participants au débat (ils doivent être « actifs et ouverts », « exempts de toute forme de contrainte ») et du débat lui-même (il doit être public et potentiellement ouvert à tous). Ceci, bien sûr, sans aboutir à une définition excessivement normative du « citoyen idéal » dont l'effet pervers peut-être la disqualification du « citoyen réel ».

La participation à une décision peut prendre la forme d'une consultation, d'une concertation, d'une coélaboration, voire d’une codécision.


Consultation

Mais attention, la consultation n'implique pas la prise en compte des avis donnés. Dans le cas des enquêtes publiques le commissaire enquêteur émet un avis personnel qui n'est pas nécessairement celui de la majorité des déposants. L'autorité publique n'est pas non plus tenue de suivre l'avis du commissaire enquêteur. Le débat public est une consultation et non une confrontation.


Concertation

La concertation publique est régie par la « Charte de la concertation ». Celle-ci impose des procédures en amont du projet, élargissant la transparence, impliquant des débats et favorisant la participation. Mais le pouvoir décisionnel reste entièrement dans les mains des autorités.

Il existe différents types de concertation :

·        la concertation de communication. La concertation de communication a l'apparence de la participation mais elle n'en a pas le fondement. Les résultats importent peu. Il s'agit pour la collectivité de montrer qu'elle associe la population. Elle lui donne les moyens de s'exprimer, mais dans quel but ? Le plus souvent, les réponses ont peu d'effets sur la conduite des affaires publiques. Il s'agit d'abord, de faire passer des messages, promouvoir une politique sans avoir d'effets réels. C'est d'ailleurs, le type de participation le plus souvent utilisé.


·        la concertation structurelle. L'installation d'une concertation structurelle se caractérise par la mise en place d'une structure dédiée. C'est parfois obligatoire comme les conseils de quartiers pour les villes de plus de 80 000 habitants, c'est aussi de l'affichage comme la mise en place des « Conseils municipaux de jeunes » qui visent avant tout à associer et communiquer vers les collégiens. Revue de détails de ces structures qui pour durer et être efficace, doivent reposer sur des acteurs qui ont le temps et les compétences pour étudier et réagir aux projets étudiés. Ce qui n'est pas simple.

·        la concertation d'engagement. Certains élus, certaines collectivités se caractérisent par un engagement fort dans la concertation et les procédures participatives. Mode de gestion de la ville, aménagement, concertation sur de grands sujets de politique générale… ces élus intègrent un dialogue participatif. Cet engagement se retrouve dans la mise en place des démarches que nous avons citées : Charte de la participation, structure interne dédiée, démarches participatives structurées, formation des agents, etc. Et tout ceci s’applique bien sur à la démocratie participative médico-sociale.

·        la concertation de construction. La concertation de construction repose sur la volonté d'un décideur public d'associer la population ou les bénéficiaires à la construction de son projet. Les raisons peuvent être variées : arbitrage entre des options divergentes au sein de l'équipe projet, volonté d'obtenir une validation par la population de son projet, souhait d'améliorer certains points, moyen de légitimer un choix… Les choix sont ouverts. La collectivité, l'opérateur public, le gestionnaire étudient plusieurs options. Cela est possible parce que financièrement ou politiquement les différentes options se valent. Il peut s'agir d'un référendum local. La réponse fonctionne alors comme un couperet : oui ou non le projet se fera. Mais cette concertation de construction peut permettre d'affiner un projet, d'améliorer des points ou de faire évoluer certains aspects du projet.

·        la concertation d'attente. La concertation sert également… à ne pas prendre de décision. Les contraintes politiques, les raisons budgétaires, les doutes sur la finalité d'un projet peuvent reporter la réalisation d'un projet. Pourtant, l'annonce de son arrêt n'est pas à l'ordre du jour. Soit parce qu'il ne faut pas se déjuger par rapport à des annonces passées, soit parce que les financements manquent et qu'à défaut d'enterrer ou d'engager le projet… on concerte. Cette démarche se retrouve également dans la politique nationale. Pour éviter les risques d'un « président hyperactif », la démarche participative est largement mise en avant. Cela permet à la fois d'éviter de prendre des décisions hâtives et inappropriées et de reporter des dépenses à des jours meilleurs. Les changements rapides de ministres et de gouvernement sont aussi un excellent outil dans ce sens et nous en savons quelque chose concernant la remise de notre rapport de concertation sur la démocratie médico-sociale en fin janvier 2023.

 

Voici encore une autre approche de la diversité des modèles participatifs.

Les déclinaisons et les applications de l’idéal participatif sont nombreuses et il convient de les distinguer d’un point de vue analytique. En France, certains dispositifs sont inscrits dans la loi, d’autres sont à l’initiative des décideurs ou relèvent encore de l’expérimentation. Certains visent à associer les citoyens très en amont du processus de décision en permettant à ces derniers de contester l’opportunité du projet, voire de participer à la définition du problème, d’autres se contentent de les consulter alors même que la décision est déjà ficelée, sinon déjà prise.

Un article classique de 1969 de la chercheuse américaine Sherry Arnstein propose ainsi une "échelle de la participation citoyenne" en distinguant trois grands paliers :


  • le premier est celui de la manipulation ou de la "non-participation" et renvoie aux réalités dans lesquelles il s’agit simplement de donner l’illusion d’une association des citoyens à la discussion ;

  • le second est celui de la "coopération symbolique" : il s’agit cette fois d’informer ou de consulter mais sans donner véritablement de pouvoir d’agir à ceux auxquels on s’adresse ;

  • la troisième catégorie de démarches participatives, celle du troisième palier de l’échelle, seule mériterait d’être considérée comme participative en ce qu’elle donne aux citoyens le statut de "partenaires" de l’action publique, leur déléguerait une parcelle de pouvoir ou leur permettrait de contrôler réellement la décision. Le décret du 25 avril 2022 sur le CVS prévoit cette dimension quand il énonce que le CVS devra être associé à l’élaboration ou à la révision du projet d’établissement ou du service.

Les outils de la démocratie participative médico-sociale

C’est la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. LOI n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale - Légifrance (legifrance.gouv.fr) 

Ses principes fondamentaux sont exprimés ainsi :

« Art. L. 116-1. - L'action sociale et médico-sociale tend à promouvoir, dans un cadre interministériel, l'autonomie et la protection des personnes, la cohésion sociale, l'exercice de la citoyenneté, à prévenir les exclusions et à en corriger les effets. Elle repose sur une évaluation continue des besoins et des attentes des membres de tous les groupes sociaux, en particulier des personnes handicapées et des personnes âgées, des personnes et des familles vulnérables, en situation de précarité ou de pauvreté, et sur la mise à leur disposition de prestations en espèces ou en nature. Elle est mise en œuvre par l'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics, les organismes de sécurité sociale, les associations ainsi que par les institutions sociales et médico-sociales au sens de l'article L. 311-1. »

Cette loi, comme nous le savons, est mise en application, concernant le CVS, par le décret du 25 avril 2022 dont certains points restent discutables.


Cependant, comme l’écrit le professeur de science politique Loïc Blondiaux, la "démocratie participative" désigne l’ensemble des démarches qui visent à associer les citoyens au processus de décision politique. D’une diffusion relativement récente, la notion renvoie à des réalités sensiblement différentes et à une évolution de nos systèmes démocratiques qui reste contestée et entravée par de multiples facteurs.


Des expériences et des réalisations positives existent. Mais ces initiatives ne peuvent réussir et s’inscrire dans le temps que sous certaines conditions impératives qu’il convient de rappeler ici : 


  • la qualité de l’ingénierie participative. La démocratie participative ne s’improvise pas ni ne supporte l’amateurisme et le manque de moyens matériels et humains. Pour concevoir, animer et accompagner des processus complexes, il convient d’avoir recours à des savoirs et à des professionnels (au sein comme en dehors des collectivités concernées) qui les connaissent et savent les utiliser à bon escient. C’est souvent faute d’avoir investi dans cette ingénierie de la participation que nombre de politiques échouent. En d’autres termes, il s’agit d’avoir de la méthode et de savoir l’animer.

  • la recherche systématique de l’inclusion. L’un des principaux reproches qui peut être fait aux politiques participatives est de de ne s’adresser qu’à certaines catégories de la population et de renforcer même parfois des mécanismes inégalitaires déjà présents dans nos démocraties. Il convient d’être extrêmement attentif aux asymétries de pouvoir créées par les dispositifs eux-mêmes comme l’inégalité d’accès au numérique ou à la parole dans les réunions publiques par exemple. La démocratie participative n’a de sens que si elle parvient à restaurer les conditions d’une possibilité d’influence sur la décision égale pour chaque citoyen, conformément à l’idéal démocratique de nos systèmes politiques. Cette préoccupation doit être constante et intégrée dans toutes les démarches ;

  • l’articulation de la participation à la décision. Mais la principale condition de réussite de la démocratie participative reste son articulation au pouvoir politique. Trop de dispositifs participatifs restent déconnectés des lieux où les décisions se prennent réellement et trop d’initiatives échouent faute d’avoir exercé la moindre influence sur les processus politiques sur lesquels elles venaient se greffer. Dans un système politique qui reste dominé par la logique représentative et dans lequel les élus gardent le dernier mot, il peut paraître paradoxal d’exiger que la parole citoyenne soit prise en compte. Les citoyens ne peuvent en aucun cas dicter leur point de vue, la chose est entendue. Il est impératif que leur parole puisse compter et cela exige des autorités élues une ouverture à la contradiction et à l’innovation qui manque encore trop souvent dans les démarches actuelles. Il convient également de n’organiser de concertation que sur les décisions qui n’ont pas fait l’objet d’un arbitrage préalable des autorités ou d’un engagement fort au moment de la campagne. Laisser croire aux citoyens qu’ils peuvent changer les choses alors que les choix sont déjà faits fait plus de mal que de bien à la confiance qu’ils peuvent avoir dans l’autorité politique. Il importe enfin que, à l’issue de la participation, les élus se justifient de leurs choix et répondent précisément aux demandes citoyennes, y compris et surtout dans les cas où ils n’ont pas repris ces dernières. Cette exigence de justification a posteriori est pourtant trop souvent oubliée par des élus qui ainsi témoignent d’un dédain que les citoyens comprennent mal.  

Le chemin qui mène à l’institutionnalisation de la démocratie participative comme complément de la démocratie représentative est, on le voit, pavé de nombreux obstacles. L’évolution de nos systèmes démocratiques vers une meilleure inclusion des citoyens dans la fabrication des politiques publiques ou de la gestion des structures coexiste par ailleurs avec des mouvements contraires de concentration du pouvoir entre les mains des exécutifs locaux, nationaux ou dans les structures.


Pour travailler à l’amélioration continue de la démocratie médico-sociale, pour démocratiser la démocratie participative il nous sera aisé de transposer nombre des données ici posées à notre secteur.


Même si la démocratie participative était plus institutionnalisée, même s’il était possible que les textes officiels soient parfaits, même si tous les outils étaient disponibles, il reste un ingrédient du succès, peu évoqué jusqu’ici.  Il s’agit de la vision, de l’interprétation, du sens donné par chaque acteur à la démocratie médico-sociale.


Et ici, nous entrons dans un autre domaine, plus humaniste et qui relève sans doute souvent de l’information, de la formation, voire du développement personnel.


A la lecture de ces travaux et du rapport récent de l’IGAS sur la participation citoyenne directe dans les politiques de solidarité, on voit bien que nous avons là entre les mains, avec le CVS, un formidable dispositif favorable à la vie sociale, s'il est bien utilisé. Dispositif qu’il convient de développer et surtout de ne pas le réduire uniquement à une instance de traitement des cas de maltraitance individuels !

 

Pour ce billet et CVS Part’âge JK

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